SafeZone.ch est la plateforme nationale de consultation en ligne sur les dĂ©pendances. Tout a commencĂ© avec un appel dâoffres public. La commande â repenser le dĂ©veloppement de lâapplication de consultation â a Ă©tĂ© passĂ©e par lâOffice fĂ©dĂ©ral de la santĂ© publique (OFSP), alors que lâapplication est utilisĂ©e par la centrale nationale de coordination des dĂ©pendances, Infodrog..
Soyons honnĂȘtes, la plupart du temps, nos Ă©quipes de dĂ©veloppement ne se jettent pas sur les projets de lâadministration publique. Cette rĂ©ticence est souvent liĂ©e au cahier des charges publiĂ© dans lâappel dâoffres. Lorsque les projets se concentrent sur lâĂ©laboration de spĂ©cifications dĂ©finies trĂšs tĂŽt, les vĂ©ritables objectifs et les rĂ©flexions sur la mĂ©thodologie la mieux adaptĂ©e passent en gĂ©nĂ©ral au second plan.
Le point nĂ©vralgique rĂ©side dans la marge de manĆuvre que nous octroie lâappel dâoffres. Parviendrons-nous Ă garder le cap en respectant les prioritĂ©s dĂ©finies ? Ou nous laisserons-nous happer par le backlog, pour finalement tout rĂ©aliser, mais pas assez bien les Ă©lĂ©ments essentiels ? Comment ça marche et quels sont les facteurs de rĂ©ussite ?
Quâest-ce que le blended counseling ?
Parmi les enjeux centraux du projet, lâapplication devait notamment permettre le blended counseling : câest-Ă -dire la transition fluide de consultations hors ligne Ă des consultations en ligne, et vice versa. Par exemple, une consultation peut se dĂ©rouler dans une sorte de chat. Pour les personnes ayant besoin dâune aide Ă court terme et souhaitons garder lâanonymat, lâoffre de consultation se doit dâĂȘtre particuliĂšrement intuitive et facilement accessible. Dans le mĂȘme temps, lâapplication sert dâinstrument de travail aux spĂ©cialistes pour coordonner leurs interventions et les diffĂ©rents cas. La plateforme de consultation permet ainsi Ă©galement lâĂ©change dâinformations, la supervision et le coaching.
Un projet avec quatre prestataires et deux clientâeâs
La nouvelle plateforme de consultation devait ĂȘtre capable de gĂ©rer plusieurs client·e·s. Quant au projet en lui-mĂȘme, il devait ĂȘtre mis en Ćuvre en accord avec Hermes 5.1 et impliquait la migration de lâapplication Ă remplacer. Les exigences en matiĂšre de sĂ©curitĂ© Ă©taient, elles aussi, Ă©videmment trĂšs Ă©levĂ©es, dâautant plus quâil sâagit de donnĂ©es extrĂȘmement sensibles. Et ce nâĂ©tait pas tout. Les intervenants dans le cadre de SafeZone.ch Ă©taient nombreux et issus de diffĂ©rentes organisations. En plus de lâOFSP et dâInfodrog, une autre agence digitale en charge de la partie en libre accĂšs du portail web, deux fournisseurs de CMS, un fabricant de chatbot ainsi quâune direction de projet externe Ă©taient Ă©galement impliquĂ©s.
Le dĂ©but du projet a Ă©tĂ© un moment-clĂ©. Une analyse nous a permis de comprendre le fonctionnement des consultations Ă lâaide de lâapplication existante. De nombreuses procĂ©dures opĂ©rationnelles complexes menaient Ă un champ dâapplication de plus en plus vaste, auquel il fallait encore ajouter les besoins futurs identifiĂ©s. Au bout dâun mois, lâĂ©quipe de projet en avait par-dessus la tĂȘte. Il est vite devenu clair que lâapproche la plus pertinente serait le dĂ©veloppement dâun produit minimum viable (MVP).
Le bon fonctionnement du nouvel outil était la priorité absolue du MVP, car il fallait que les spécialistes puissent continuer de faire leur travail.
Lâenjeu consistait donc Ă assurer le champ dâapplication (Scope) tout en adoptant une approche agile et itĂ©rative, de telle sorte qu'il soit enfin possible de sprinter.
Que fallait-il pour cela ?
- De la transparence : toutes les parties prenantes apportent leur connaissance de la situation initiale.Tou·te·s en comprennent les tenants et les aboutissants, bien que le ressenti puisse ĂȘtre diffĂ©rent :-)
- Le timing est dĂ©cisif : identifier le plus vite possible les risques et les problĂšmes, et les rendre parfaitement transparents. Ce nâest quâen en prenant rĂ©ellement conscience quâil est possible dây remĂ©dier efficacement et de crĂ©er ainsi un feedback loop dynamique.
- Du courage : pour exploiter pleinement les marges de manĆuvre mĂȘme aprĂšs lâattribution dâun marchĂ© public.
- De la confiance dans toutes les personnes impliquées : la confiance mutuelle est nécessaire pour faire face aux incertitudes.
Il faut également se demander pour chaque fonctionnalité :
- En a-t-on vraiment besoin ?
- Peut-elle ĂȘtre remplacĂ©e par des procĂ©dures de travail internes entre les utilisateurâtrice·s ?
- Existe-t-il un module prĂȘt Ă lâemploi, comme une solution de chat ?
Et oui, il nâaurait certainement pas Ă©tĂ© possible dâaboutir à « un rĂ©sultat formidable, trĂšs bien combinĂ© avec Hermes 5.1 » sans la bonne dynamique de projet.
Câest ainsi que nous avons fini par accoucher dâun Ă©lĂ©phant. Il nâa pas encore fini de grandir et devra encore acquĂ©rir dâautres capacitĂ©s, mais il apporte un soutien fiable et sĂ»r aux spĂ©cialistes des dĂ©pendances et aux personnes recherchant de lâaide.
Le mastodonte grandit lors de cette premiĂšre mise en Ćuvre. Bien que sa taille soit minimale, il a au moins le mĂ©rite dâĂȘtre « nĂ© ». Il poursuivra ensuite constamment son dĂ©veloppement.P.S. Si lâun des facteurs de rĂ©ussite Ă©tait venu Ă manquer, voilĂ ce que cela aurait donnĂ© :
Pas assez de courage
Le produit est complet du point de vue du cahier des charges. Le champ dâapplication (Scope) est minimal, et sa mise en Ćuvre nâest pas forcĂ©ment valorisĂ©e.Pas assez de feedback (pas assez dâagilitĂ©)
Le dĂ©veloppement de lâĂ©lĂ©phant a Ă©tĂ© opĂ©rĂ© de maniĂšre itĂ©rative, malheureusement sans coordination de la vision, de lâensemble. Soit parce que la vision et la mission nâont dĂšs le dĂ©part pas Ă©tĂ© (correctement) comprises, soit parce quâelles ont Ă©tĂ© perdues de vue pendant le dĂ©veloppement. Ou alors, les risques ont Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©s ou mal rĂ©solus tout au long du projet.